Immigration

La loi de la jungle selon Eric Besson

Immigration

par Mathieu Javaux

Succès mitigé du happening médiatique du 22 septembre (évacuation et destruction de la « jungle » qui a remplacé Sangatte) pour le ministre de l’Immigration et de l’Identité Nationale, Eric Besson. Si les images furent magnifiquement télégéniques - interpellations musclées, déclarations martiales - sur les 138 personnes interpellées à cette occasion, 117 ont été libérées selon le Canard Enchainé du 30 septembre. Eric Besson déplore : « les juges sont un peu tatillons ». Les interpellés ont été promptement disséminés à travers l’Hexagone, dans les villes disposant d’un centre de rétention administrative. Les juges toulousains ont notamment considéré que le voyage Calais-Toulouse de 14 heures imposé à certains ne respectait pas les droits de la défense et représentait une « atteinte à la dignité de la personne ». Les 26 arrêtés de reconduite à la frontière ont également été cassés par la Cour d’appel.

Malgré cette bérézina judiciaire, le ministre semble décidé à faire feu de tout bois. Ainsi le 28 septembre, c’est une équipe de journalistes-humoristes de Canal Plus qui a eu affaire aux services de police lors du tournage d’un sujet sur la « jungle ». En plus d’une interpellation, ces dangereux provocateurs ont également bénéficié d’une leçon de bon goût et de savoir-vivre de la part d’Eric Besson. Ce dernier n’a en effet pas hésité à dénoncer « une mise en scène inacceptable, reposant sur la falsification de documents officiels, sur une caricature mensongère et insultante du travail des services de police et de gendarmerie, et sur la diffusion d’une image dégradante et humiliante de ressortissants étrangers en situation irrégulière, qui sont les victimes des filières de l’immigration clandestine, et qui méritent notre respect »... Venant de l’auteur d’une rafle organisée tant pour les caméras que pour l’électorat lepéniste, cela laisse pour le moins songeur.

Le subtil Besson omet bien évidemment de mentionner la décision de justice constatant les atteintes à la dignité de la personne... Question subsidiaire : combien d’humoristes, de journalistes, d’auvergnats font actuellement l’objet d’une surveillance par le comité du bon goût gouvernemental ?