Basta! Base de données

Entre 1977 et 2022, 861 morts suite à l’action des forces de l’ordre, dont 27 lors d'opérations anti-terroristes, et 80 du fait d'un agent en dehors de son service

Une base de données de Basta Media, compilée et analysée par Ivan du Roy et Ludo Simbille. Graphiques interactifs : Philippe Rivière // Design : Christophe Andrieu.

Les forces de police et de gendarmerie ont pour mission d’assurer la sécurité des personnes, des biens et des institutions. À ce titre, elles disposent du pouvoir de recourir à la force et d’utiliser leurs armes à feu, dans des circonstances précises. Ce pouvoir, conféré par l’État, occasionne des morts. Qui sont-ils, pourquoi et comment sont-ils tués ? Dans quelles conditions l’action des forces de l’ordre se révèle-t-elle fatale ?

Chapitre 1 Base de données

Chiffres

En France, au cours des quarante-six dernières années, personnes sont décédées à la suite d’une intervention des forces de l’ordre, dont du fait d’agents en dehors de leur service.

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Dates

Nos informations couvrent la période de janvier 1977 au 31 décembre 2022.

Sur les graphiques qui suivent, chaque décès est représenté par un point, qui vous permet d’obtenir des informations plus précises sur le contexte et les circonstances de l’intervention des forces de l’ordre.

  • 16 mars 1977, Mantes-la-Ville (Yvelines) Menaçant envers sa femme et ses enfants, Bernard Magny (47 ans) tire avec un pistolet d’alarme en direction des policiers qui viennent l’interpeller au domicile familial. Un brigadier riposte et le tue d’une balle dans le foie. Source : Le Monde, 19 janvier 1977.

  • 8 décembre, Bailly-Romainvilliers (Seine-et-Marne) Vers 01h00 du matin, une équipe de la BAC poursuit un automobiliste en état d‘ébriété qui tente d’échapper à un contrôle. Un de leurs collègues, en train de récupérer un dispositif d’interception des véhicules, est alors percuté par la voiture de police. Hospitalisé en arrêt cardio-respiratoire, il succombe à ses blessures. L'IGPN est saisie. Le conducteur de la BAC n'est pas mis en cause. L’automobiliste poursuivi est incarcéré.

Femmes, enfants et adolescents

Parmi ces personnes, étaient des femmes adultes , et des enfants ou des adolescents de moins de 18 ans .

  • 13 septembre 2013, Brest (Finistère) Alors qu’elle se dirige vers un arrêt de bus en traversant l’avenue longeant le campus universitaire de Brest, une étudiante en médecine de 19 ans est renversée par une voiture de police banalisée. Sans sirène, sans gyrophare, le véhicule, occupé par trois policiers, rejoint le commissariat. La victime est secourue par le Samu mais succombe deux jours plus tard à l’hôpital. Une enquête administrative est ouverte. En mai 2016, le policier est condamné pour homicide involontaire à huit mois de prison avec sursis.

  • 20 août 1995, Sospel (Alpes-Maritimes) À la frontière avec l’Italie, une voiture tente de forcer un barrage. Un agent de la police de l’air et des frontières (PAF) tire au fusil à pompe sur le véhicule. Un enfant tzigane, Todor Bogdanovic, 8 ans, est tué d’une balle dans le thorax. Inculpé de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, l’agent est renvoyé devant la cour d’assises. Le policier plaide la légitime défense. Il est acquitté en décembre 1998. Un recours devant la cour européenne des droits de l’Homme est déposé. La famille fuyait la guerre en ex-Yougoslavie.

Population masculine

L’immense majorité, …%, étaient de sexe masculin . On ne compte au total que  femmes , tous âges confondus.

Moins de ans

La moitié des morts recensés avaient moins de ans.

  • 21 novembre 2017, Thonon-Les-Bains (Haute-Savoie) Des coups de feu sont signalés dans un quartier de Thonon , des policiers de la BAC s’y rendent. Ils tentent de contrôler une voiture. Le conducteur aurait alors foncé sur la patrouille. Un des agents ouvre le feu vers le véhicule et tue Nicolas Manikakis, 21 ans. Les policiers plaident la légitime défense. L’auteur du coup de feu est placé en garde à vue. Une enquête interne est ouverte. Une marche silencieuse est organisée en mémoire de Nicolas. L’affaire est en cours.

Mineurs et plus de 45 ans

Nombre de mineurs :
enfants , et adolescents de  à 17 ans .
 personnes décédées ont plus de ans .

  • 26 juin 2004, Paris Un policier manipule son arme de service dans son appartement. Un coup de feu part. La balle traverse le mur, atteint Ibrahim Diakité (7 ans) à la tête et blesse son frère en train de regarder la télévision. Le tribunal correctionnel de Paris condamne le policier à trente mois de prison avec sursis.

  • 23 février 2011, Fabrègues (Hérault) Vers 1h30, des gendarmes effectuent un contrôle routier. Une voiture force le barrage. Pris en chasse, le véhicule stoppe dans une impasse et ses trois passagers prennent la fuite à pieds. L’un d’eux, un homme de 62 ans recherché pour vol aggravé, armé d’un revolver, tire à six reprises en direction des gendarmes. Ceux-ci ripostent. Touché à la main, à la clavicule et au thorax, le tireur décède. L’inspection générale de la gendarmerie est saisie par le procureur de la République de Montpellier. Le parquet estime que les gendarmes étaient en état de légitime défense.

Répartition géographique

La répartition géographique interroge.

Près de la moitié de ces affaires se concentrent en région parisienne et au sein des agglomérations lyonnaises et marseillaises. Pourtant, ces territoires n’abritent qu’un quart de la population. Y a-t-il des conditions particulières de l’exercice de la police qui entraînent une montée de la tension, ou un suivi moins strict des procédures d’engagement ?

Chapitre 2 Circonstances du décès

Armes à feu

Parmi ces personnes, ont été tuées par arme à feu  (…%).

Les parties du corps les plus fréquemment touchées par les balles mortelles sont la tête, le cœur et la nuque.

Accidents routiers

sont décédées dans un accident routier (…%), la plupart du temps dans le cadre d’une course-poursuite.

  • 5 mai 2017, Antony (Hauts-de-Seine) Une patrouille de la BAC tente de contrôler Curtis R. (17 ans) qui roule en quad sans casque. Le jeune homme prend la fuite et percute un bus municipal. Transféré à l’hôpital, il décède la nuit suivante. Selon la version officielle, Curtis aurait perdu le contrôle du quad alors que la BAC ne le poursuivait pas. Des témoins affirment au contraire que les policiers ont pris en chasse le quad et l’auraient même percuté. Le parquet de Nanterre ouvre une enquête. La famille porte plainte contre X pour « homicide involontaire ». Des révoltes éclatent dans le quartier dont le jeune homme est originaire à Massy.

Autres causes de décès

décès sont liés à un malaise ou une asphyxie  (…%). Les chutes  et les noyades  représentent …% des décès.

  • 19 juillet 2016, Beaumont-sur-Oise (Val d’Oise) Vers 17h, une patrouille du peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) contrôle deux hommes, dont l’un correspond au signalement d’un suspect dans une affaire d’extorsion. Le frère du suspect, Adama Traoré (24 ans), qui n’est pas recherché, prend la fuite. Une deuxième patrouille le repère dans un domicile privé et l’immobilise. Adama Traoré se plaint de difficultés respiratoires et tombe inconscient. Malgré l’intervention du Samu, son décès est constaté à 19h15. Deux autopsies concluent à un « syndrome asphyxique », excluant des violences ayant entraîné la mort. Le Le procureur évoque une anomalie cardiaque. Des zones d’ombre subsistent : les rapports des secouristes ne sont pas versés au dossier et l’un des témoignages contredit la version des gendarmes. Une information judiciaire est ouverte par le Parquet de Pontoise. La famille dépose deux plaintes. L’affaire provoque plusieurs nuits d’affrontements dans le quartier de la victime.

  • 17 juin 2007, Paris Suite à un appel pour des cris dans un hôtel, la police intervient et interpelle Lamine Dieng (25 ans) sur le trottoir. Les policiers, le jugeant agité, appellent des renforts, le maintiennent au sol, lui passent les menottes, sanglent ses pieds puis l’emmènent dans un fourgon de police. Quatre policiers l’auraient empêché de respirer en lui appuyant sur la tête et le thorax pendant plus de 20 minutes. Une première autopsie évoque une « éthologie toxique » due à la consommation de drogue. La seconde conclut à une compression thoracique et crânienne et à une « asphyxie par régurgitation alimentaire », la drogue n’étant qu’un accélérateur de l’insuffisance respiratoire. La famille, prévenue 36h après les faits, porte plainte et se constitue partie civile. Les policiers sont placés en qualité de « témoins assistés ». L’enquête de l’IGS est toujours en cours. En mai 2014, la justice délivre un non-lieu en faveur des policiers. Cette décision est suivie en juin 2015 par la cour d’appel. La Cour de cassation confirme le non-lieu en juin 2017. La famille en appelle à la Cour européenne des droits de l’homme.

  • 28 juillet 2017, Villeneuve-Saint-George (Val-de-Marne) Steven (26 ans) est interpellé pour cambriolage et placé en garde à vue. Il demande une visite médicale. Vers 20h, au retour de l’hôpital, il se serait enfuit menotté du véhicule de police. Il aurait ensuite sauté pieds nus dans la Seine. À sa poursuite, les policiers l’aperçoivent couler au loin et préviennent les secours. Son corps est retrouvé le lendemain. Une enquête est confiée à l’IGPN. La mère de la victime porte plainte contre X pour « non-assistance à personne en danger ».

Victimes non-armées

Toutes ces affaires sont très différentes et posent la question de l’usage de la violence par les forces de l’ordre. Le recours aux armes à feu par les forces de l’ordre est strictement encadré.

Parmi les personnes tuées par balles, n’étaient pas armées, soit …%.

  • 20 mai 2017, Sailly (Saône-et-Loire) Jérôme Laronze, un agriculteur de 36 ans, est abattu par des gendarmes alors qu’il tente de fuir un contrôle. Neuf jours plus tôt, cet éleveur a reçu dans sa ferme la visite d’inspecteurs des services vétérinaires accompagnés de gendarmes. Le trentenaire prend alors la fuite en tracteur. S’ensuivent neuf jours de « traque » jusqu’à ce que les gendarmes le repèrent sur un chemin. L’agriculteur aurait alors foncé sur la patrouille. Un des deux agents ouvre le feu. Touché de trois balles, Jérôme Laronze décède. Les gendarmes plaident la légitime défense. Une information judiciaire est ouverte pour « violences avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». La famille et le syndicat dont l’agriculteur était adhérent – la Confédération Paysanne – portent plainte en se constituant partie civile. Un gendarme est mis en examen. L’affaire suit son cours.

Victimes ouvrant le feu

des suspects abattus avaient préalablement attaqué les forces de l’ordre.

  • 2 septembre 2016, Vincennes (Val-de-Marne) Deux infirmiers sont appelés pour soigner un patient atteint de troubles psychiatrique à son domicile. L’homme, Maxime L. (29 ans), est armé d’un couteau. Les infirmiers appellent la police qui intervient dans l’appartement. L’homme se serait alors jeté sur l’une des agents, la blessant légèrement à la gorge. Les policiers ripostent. « La policière, par réflexe, a tiré deux fois sur l’homme et son collègue une fois », témoigne une source dans la presse. Une enquête est diligentée par l’IGPN.

  • 16 juillet 2010, Grenoble (Isère) Suite au braquage d’un casino, Karim Boudouda (27 ans) est pris en chasse par la BAC. Après des échanges de tirs, l’homme est tué d’une balle dans la tête dans son quartier de La Villeneuve. Une enquête est ouverte par l’IGPN. Selon une « source judiciaire », la légitime défense est établie. La famille porte plainte contre X pour « homicide volontaire ». La mort déclenche deux semaines de révoltes dans le quartier dont est originaire le jeune homme.

Victimes armées

Parmi les personnes armées, étaient en possession d’une
arme à feu
au moment de leur mort.  personnes d’une arme blanche — hache, couteau, ciseaux…

  • 16 décembre 2014, Le Havre (Seine-Maritime) En « état de démence », Abdoulaye Camara (30 ans) se jette sur un passant et lui assène vingt coups de couteau. Deux agents, alertés par des voisins, ouvrent le feu et tirent vingt balles, dont dix atteignent leur but. La vie du passant, hospitalisé, n’est pas en danger. Le Procureur de la République invoque la légitime défense. La famille conteste la version policière et porte plainte en se constituant partie civile. Le frère d’Abdoulaye Camara affirme que l’arme en sa possession était un couteau à huîtres. L’IGPN est finalement saisie du dossier. Fin 2016, son rapport conclut à la légitime défense.

  • 21 avril 2012, Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis) Censé regagner la maison d’arrêt de Châteaudun où il bénéficie d’une permission de sortie, Amine Bentounsi fuit un contrôle d’identité. Un policier tire sans sommation à quatre reprises et le tue d’une balle dans le dos. Armé, Amine n’a tiré aucun coup de feu. Une enquête est menée par l’IGS. Le policier est mis en examen pour homicide volontaire, ce qui déclenche une manifestation des syndicats de police qui réclament une « présomption de légitime défense ». À la fin de l’instruction par la tribunal de Bobigny en 2014, le vice-président décide de re-qualifier les faits en « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique ». Le policier est renvoyé devant la cour d’Assises et acquitté. Le Parquet fait appel. Le policier est condamné en mars 2017 à cinq ans de prison avec sursis.

Armes « non-létales »

Les armes dites
« non létales »
(taser, flashball, grenades) sont à l’origine de morts.

  • 12 décembre 2010, Marseille (Bouches-du-Rhône) Suite à une altercation dans un foyer de travailleurs, trois policiers interviennent. Mustapha Ziani (43 ans) lance un projectile et blesse l’un des agents au crâne. Un policier tire au flash-ball et l’atteint au thorax. Mustapha Ziani fait un arrêt cardiaque. Il meurt après deux jours dans le coma. L’autopsie conclut à une mort par « oedème pulmonaire » lié « indiscutablement » au tir de flash-ball. Une enquête est menée par l’IGPN. En novembre 2014, le tribunal correctionnel se déclare incompétent estimant qu’il s’agit d’un « homicide volontaire » et renvoie l’affaire en assises. En octobre 2015, la cour d’appel d’Aix-en-Provence re-qualifie l’accusation en « homicide involontaire ». En mars 2017, le policier écope d’une peine de six mois de prison avec sursis sans mention sur son casier judiciaire.

Fuites et interpellations

personnes ont perdu la vie en fuyant les forces de l’ordre et décès ont eu lieu à la suite d’une interpellation.

Au commissariat

personnes sont mortes alors qu’elles étaient en état d’arrestation dans un commissariat ou une gendarmerie, ou lors de leur transfèrement alors qu’elles venaient d’être interpellées .

  • 6 avril 1993, Paris Makomé M’Bowolé, adolescent zaïrois de 17 ans, est tué d’une balle dans la tête à bout portant par un inspecteur de police qui l’interrogeait dans un commissariat du 18ème arrondissement de Paris. Menottée, la victime était en garde à vue pour un vol de cigarettes. En 1996, le policier est reconnu coupable de violences volontaires avec arme ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner par la cour d’assises et condamné à huit ans de prison ferme.

  • 24 janvier 2005, Courbevoie (Hauts-de-Seine) Abou Bakari Tandia (38 ans) est conduit au commissariat le 5 décembre 2004 et tombe dans le coma dans sa cellule. Transporté à l’hôpital, il y décède un mois et demi plus tard. Selon la version des policiers présents, Abou Bakari Tandia se serait tapé la tête contre les murs. En avril, la famille porte plainte pour « actes de torture et de barbarie ayant entraîné la mort ». Le dossier médical disparaît pendant quatre ans. Un policier reconnaît ensuite lui avoir fait une prise d’étranglement. En 2011, une nouvelle expertise médicale conclut à une mort « par privation d’oxygène due à des contentions répétées » invalidant la version des policiers. En septembre 2012, un non-lieu est prononcé et confirmé en mars 2013. Un pourvoi en cassation est refusé. En janvier 2014, la famille décide de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

  • 11 juin 2009, Argenteuil (Val d’Oise) Une patrouille de police interpelle une voiture dont les occupants sont en état d’ébriété. Le ton monte. Les policiers passent les menottes aux passagers. Ali Ziri (69 ans), retraité, est transporté dans un fourgon où il est immobilisé selon la technique du « pliage », la tête appuyée contre le siège avant. Emmené à l’hôpital, il y décède deux jours plus tard. L’autopsie évoque 27 hématomes et conclut à une mort due à « un arrêt cardio-circulatoire d’origine hypoxique généré par suffocation et appui postérieur dorsal ». Un non-lieu est rendu en octobre 2012 et confirmé en février 2013. La famille se pourvoit en cassation. Le 18 février 2014, la Cour de Cassation annule le non-lieu. Elle reproche l’absence d’enquête sur l’usage de la technique du pliage et des lacunes dans l’instruction. En décembre 2014, la cour d’appel de Rennes confirme le non-lieu. Un pourvoi en Cassation est rejeté en février 2016.

Chapitre 3 Missions et unités de police concernées

Terrorisme

suspects ont été abattus dans le cadre d’opérations anti-terroristes.

C’est par exemple le cas d’Éric Schmidtt, dit « Human Bomb », dans une école de Neuilly-sur-Marne en 1993. , ou des frères Saïd et Chérif Kouachi après leur attaque contre la rédaction de Charlie Hebdo en 2015.

  • Le 15 mai 1993 Éric Schmitt, un cadre au chômage, prend en otage une vingtaine d’enfants et leur institutrice dans une école maternelle de Neuilly -sur-Seine (Hauts-de-Seine). L’homme cagoulé se fait appeler "Human Bomb". Il est armé de 21 bâtons de dynamite reliés à un détonateur. Il réclame 100 millions de francs de rançon. Après des heures de négociations, le Raid intervient dans la classe et abat le preneur d’otage de trois balles dans la tête alors qu’il s’est assoupi. Aucun otage n’est blessé. Un mois après, le dénouement de la prise d’otages fait polémique. Le Syndicat de la magistrature juge que la mort de Human Bomb a été commanditée « pour des raisons purement politiques ». Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, l’attaque pour diffamation et gagne les deux procès en 1995. La famille d’Éric Schmitt, elle, se constitue partie civile et porte plainte contre X pour « homicide volontaire avec préméditation ». En avril 1995, le juge d’instruction prononce à un non-lieu estimant que le Raid a agi en état de légitime défense. Le policier, auteur des coups de feu, quitte le Raid, s’estimant non soutenu.

  • 22 mars 2012, Toulouse (Haute-Garonne) Recherché pour le meurtre de sept personnes, dont trois enfants juifs, trois militaires et un enseignant, Mohamed Merah se retranche à son domicile. Après 32 heures de siège, le RAID donne l’assaut. Selon les forces de l’ordre, Mohamed Merah aurait été tué en sautant par la fenêtre armes à la main, après un échange de tirs, d’une balle dans la tête et à l’abdomen. Le père porte plainte pour homicide volontaire.

Contrôle d’identité

En dehors de ces situations exceptionnelles, des interventions a priori banales peuvent devenir meurtrières. personnes sont mortes dans le cadre d’un contrôle d’identité ou de ses suites, …% des missions concernées.

  • 27 octobre 2005, Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) Apercevant des policiers de la BAC se diriger vers eux, trois jeunes gens qui rentrent d’un match de foot se mettent à courir. Les policiers les poursuivent. Les trois jeunes se réfugient dans un transformateur EDF. Zyed Benna (17 ans) et Bouna Traoré (15 ans) meurent électrocutés. Seul le troisième adolescent Mutin Altun, grièvement blessé, s’en sort. La mort de Zyed Benna et Bouna Traoré provoque plusieurs semaines de révoltes dans de nombreuses villes. L’instruction dure cinq ans. Deux des sept policiers mis en cause sont mis en examen pour non assistance à personne en danger. En Avril 2011, un non-lieu est prononcé. En octobre 2012, la cour de cassation annule le non-lieu. En septembre 2013, la cour d’appel de Rennes décide de renvoyer en correctionnelle les deux policiers. En mai 2015, ils sont relaxés, décision confirmée par la cour d’appel de Rennes en juin 2016.

Interventions

décès ont lieu après une sollicitation des forces de l’ordre dans le cadre d’une enquête ou suite à un signalement (« état de démence », tapage nocturne, voisin armé, etc.)

« Flagrant délit »

personnes sont mortes dans le cadre d’un « flagrant délit ». Près de la moitié de ces cas concernent des vols de voiture ou cambriolages de maison.

Agents en dehors du service

 des cas considérés impliquaient des agents en-dehors de leur service.

Ces drames surviennent souvent lors de violences familiales. En cela, 2017 représente un « pic ». L’année précédente, l’autorisation de porter l’arme en dehors du service avait été assouplie, pour les policiers et les gendarmes.

  • 10 septembre 2017, Noyon (Oise) Un policier de la préfecture de Police de Paris se rend en dehors de son service à la gare de Noyon où sa femme et trois de ses enfants s’apprêtent à prendre un train. Sa femme, aide-soignante, vient de lui annoncer qu’elle le quittait. Le fonctionnaire ouvre le feu. Sa compagne, Sindy, qui était enceinte, et deux enfants, Gillian (3 ans) et Melvin (5 ans) sont atteints mortellement. Le troisième enfant, Océane, jumelle d’une des victimes réussit à s’échapper. Le policier met alors fin à ses jours. Une enquête est confiée à la section recherches de la gendarmerie d’Amiens.

Chapitre 4 Police et politique

Maintien de l’ordre

En 46 ans, personnes ont été tuées dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre face à des manifestations de rue.

  • 6 décembre 1986, Paris Lors de manifestations étudiantes dans le Quartier latin, contre un projet instaurant la sélection à l’université, Malik Oussekine (23 ans) décède pendant qu’il est passé à tabac par deux policiers du peloton de voltigeurs motocyclistes. Plusieurs témoins font état de coups et blessures. L’autopsie évoque des hématomes sans déterminer les causes réelles de la mort. Les policiers sont finalement traduits en cour d’assises. Le premier est condamné à deux ans de prison avec sursis, le second à cinq ans de prison avec sursis. Suite à ce drame, le peloton des voltigeurs est dissous.

  • 25 octobre 2014, Sivens (Tarn) Des affrontements éclatent entre forces de l’ordre et manifestants s’opposant à la construction d’un barrage. Une grenade lancée par un gendarme explose dans la capuche de Rémi Fraisse (21 ans), étudiant et militant écologiste, tué sur le coup. Ses proches sont prévenus le lendemain. Le flou est entretenu pendant plusieurs jours sur les causes du décès. La famille dépose deux plaintes, pour « homicide volontaire » et pour « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Selon l’enquête administrative, « aucune faute professionnelle » n’a été commise par le gendarme, placé en garde à vue puis libéré. Suite au drame, l’usage de ces grenades offensives est suspendu. En janvier 2018, la justice ordonne un non-lieu.

La BAC

Parmi la police nationale, les brigades anti-criminalité (Bac) ressortent particulièrement alors que leurs effectifs sont restreints.

Les patrouilles de la Bac se font en civil. Leur mission est d’intervenir « dans les quartiers sensibles pour veiller à l’ordre public ou le rétablir », exclusivement en milieu urbain pour rechercher des flagrants délits.

Une politique française

De l’effet Pasqua à l’effet Valls-Darmanin

Par le passé, on observe un pic des interventions létales lorsque Charles Pasqua, représentant de l’aile dure de la droite, devient ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac, à deux reprises (1986 puis 1993). Puis un autre pic en 2001, au crépuscule du gouvernement Jospin. Plus récemment, à partir de 2014 (gouvernement Manuel Valls puis élection d’Emmanuel Macron), le rythme de morts repart nettement à la hausse, avec plus de 20 personnes tuées chaque année. Un nouveau seuil est franchi en 2020 (40 morts) puis en 2021 (52 morts). L’usage de la violence policière létale est en train de se banaliser en France ?

Année d’élection présidentielle

1988, année d’élection présidentielle, apparaît comme un « pic ». Ses 30 décès sont liés à un contexte particulier : dix-sept d’entre eux ont eu lieu lors de l’assaut donné par les forces de l’ordre pour mettre fin à la prise d’otages de la grotte d’Ouvéa en Nouvelle-Calédonie. Les circonstances de cet assaut, mené durant l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, sont le résultat d’une instrumentalisation politique de la part des deux candidats.

Conclusion

L’ensemble de ces données illustre, d’abord, la diversité et la complexité des situations auxquelles police et gendarmerie sont confrontées dans le cadre de leur mission – assurer la sécurité des personnes, des biens et des institutions. Notre recensement ne préjuge pas de la légitimité – ou non – de l’usage de la force. Il pose une question récurrente : dans quels cas cette sécurité est à ce point menacée qu’elle justifierait de tuer ? C’est sur ce point que nos données visent à ouvrir le débat et à combler l’absence d’information, aucune donnée officielle n’existant sur ce sujet.

Premier élément saillant : la moitié des personnes recensées ont été tuées parce que les représentants de l’ordre ont pris la décision d’ouvrir le feu (les accidents existent mais restent rares). Pourtant, les interventions face à un suspect armé, demeurent faibles. Les suspects abattus lors d’opérations antiterroristes apparaissent lors de deux périodes bien distinctes – au milieu des années 90 puis à partir de 2015. A contrario, parmi les personnes tuées par l’ouverture du feu des forces de l’ordre, plus de la moitié n’étaient pas armées.

Deuxième élément : un profil de la victime est récurrent. Il s'agit d’un homme âgé de moins de 27 ans, au nom à consonance africaine ou maghrébine qui habite un quartier populaire en périphérie d’une agglomération comme Paris, Lyon ou Marseille. Cette géographie est sensiblement différente de celle des crimes et de la délinquance violente – homicides, coups et blessures volontaires, vols et violences avec armes, violences sexuelles – même si l’Île-de-France, et notamment Paris, ou la ville de Marseille demeurent des points chauds. Le taux d’homicides ou les violences sexuelles sont, par exemple, parfois plus élevés dans les petites villes et villes moyennes d’autres régions. Il en est de même pour les profils des délinquants : si les interventions policières mortelles visent prioritairement les moins de 25 ans, ceux-ci ne sont pas systématiquement prédominants parmi les auteurs de crimes ou de délits commis avec violences. Ils sont par exemple moins mis en cause dans les affaires d’homicides que les plus de 30 ans. Idem pour les violences sexuelles. La plupart des personnes tuées suite à une action des forces de l’ordre n’avaient soit commis aucun délit, soit des délits mineurs (infractions au code de la route, tapage nocturne), soit des petits délits économiques (vol de voitures, vol à l’étalage), soit encore des infractions provoquées par l’interpellation elle-même (délit de fuite). Pourtant, ces cas constituent la moitié des personnes décédées des suites d’une intervention. Les jeunes seraient-ils présumés dangereux, et sur quels critères ? Subiraient-ils davantage de contrôle d’identité susceptible de mal tourner ?

Depuis une dizaine d’années, le nombre d’interventions policières létales ne cesse d’augmenter, atteignant désormais une quarantaine de morts, voire davantage, chaque année, contre une vingtaine auparavant. Est-ce lié au contexte issu des attentats terroristes ? A la crise – de vocation, de formation, d’éthique – que traverse la corporation policière ? A la quasi impunité judiciaire dont les violences illégales font l’objet ? Les décès par malaise ou asphyxie, impliquant souvent des techniques d’immobilisation controversées, sont plus nombreux. Les décès du fait d’armes dite non létales, s’ils demeurent marginaux, augmentent également.

Ces interventions policières mortelles constituent la partie la plus visible de l’action des forces de l’ordre. Leur augmentation semble aussi marquer un durcissement des autres actions de coercition, en particulier lors des opérations de maintien de l’ordre avec la multiplication des blessures graves et de mutilations chez les manifestants. La manière dont elles sont réalisées, leur légitimité, doivent continuer d’être interrogées. Le but est aussi d’en tirer des enseignements pour préserver au maximum la vie et de s’assurer que l’impunité ne soit pas la règle en cas d’usage non justifié de la force.

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